Observer et dessiner…
STRATÉGIES* une lettre pour partager quelques dessins et d'autres choses

classer • observer • soutenir

Faut-il que le travail soit visible pour exister ? Mon actu ces dernières semaines c'est d'avoir rangé mon atelier et de remplir des carnets… entre mille autres projets en cours.

3 dessins d'observation dans des carnets

Cela vous paraîtra anecdotique, mais ranger tout ce qui est dans mon espace de création, prendre chaque papier, chute, crayon, bout de carton, objet non identifié, création délaissée, carnet jamais terminé, livre, cadeau, outil, pelote de laine… Prendre chaque chose et se demander où est sa place et comment l'archiver.
C
'est long, mais c'est super.

Bien sûr que les idées sont toujours en vrac, dans l'esprit et les vieilles notes ; mais pour un temps, j'ai l'impression d'y voir bien plus clair.

Dessins d'observation dans des carnets

Il y a plusieurs semaines, on m’a suggéré une méthode – un jeu – pour travailler le dessin d’observation. Quotidiennement, vous observez et vous dessinez : un objet, un espace, un être vivant et un sujet libre. On parle bien de quatre dessins minimum, chaque jour.

Au début, c'est vraiment pas facile et j'ai l'impression de me concentrer pour me remettre à un sport compliqué – je grimace et je souffle fort. Notez bien qu'on se fiche du résultat : on veut juste faire ces dessins. Parfois c'est bancal, c'est raté ou maladroit, mais pas si mal… en tout cas c'est sur la page.

Petit à petit, on apprend à constater ce qui est vraiment sous nos yeux, et pas seulement dans notre tête. Et c'est réjouissant de voir son dessin revenir — ou se déclarer.

Après un peu plus de 100 jours, je peux vous dire que ce n'est pas si compliqué, que je n'ai jamais rempli mes carnets aussi vite… et que je continue la mission ! C’est aussi une jolie façon de se souvenir de ses journées.

Je remercie les personnes du quotidien qui se laissent dessiner (avec plus ou moins de réussite !) et l'esprit tourmenteur pour ce beau défi journalier.
« 4 dessins. Point. Et pas de triche. »

Dessins d'observation dans des carnets

Et puis, avant d'écrire cette lettre j'ai beaucoup pensé à mes collègues et ami·es artistes. Lorsqu'on se présente comme artiste, on peut faire face à beaucoup d'enthousiasme et de soutien — ce qui est toujours surprenant pour moi, mais très appréciable. Du côté public on pense plaisir et création, et il faut avouer que c'est une chance de pouvoir y consacrer une grande partie de son temps. De l'intérieur, c'est plus compliqué : sans parler de la complexité administrative, des sentiments d’illégitimité et du fait que le reste du monde ne comprenne pas toujours ce qu'on fait, ce que je vois aussi autour de moi ce sont les possibilités restreintes, les galères matérielles, le manque de temps, l'incertitude qui prend toute la place, les blessures… Il y a tant de raison de ne pas pouvoir créer, de ne pas pouvoir vivre.

Régulièrement donc, pour diverses raisons, je sais que je ne pourrai pas travailler avec telle ou telle personne, que je ne pourrai pas voir son travail ; car sa priorité est de s’occuper d’elle-même.

Cela m’attriste et me met en colère, de nous savoir si fragiles. Pas en colère contre ces ami·es-artistes : je suis bien à leurs côtés, à la fois réjouie et frustrée, j'attends et j'espère qu'ils et elles finiront par reprendre pied, entendre l'amour, la confiance et tout ce qui se trouve autour d'eux.

De ce fil là, on arrive à la question du travail en général et celle de la santé, qui sont immenses… et moi je voulais juste vous envoyer les dessins récents sans trop tarder. Alors je vais laisser reposer tout ça, et si j’arrive à mettre de l’ordre dans mes mots, certainement y revenir dans la prochaine lettre.

Dessins d'observation dans des carnets

Sortez vos carnets.

Allez zou ! Pour nous remettre de nos frustrations, ancrons-nous dans notre présent. À vous de prendre feutre, papier ou ce que vous voulez. Observez ce qui est autour de vous… et de là à remplir la page d’un carnet, il n’y a qu’un doute à esquiver, une décision à prendre. Peu importe d’où vous partez, peu importe à quoi ça ressemble, ce ne sont que des étapes de travail, ou un simple jeu.
La consigne : 4 dessins par jour qui doivent inclure un objet, un espace, un être vivant et un sujet libre.
L’astuce : pensez à regarder votre sujet plus souvent que votre page. Et rappelez-vous que si vous oubliez de dessiner à l’extérieur, vous allez vous retrouver à dessiner votre chambre en fin de journée…
Attention : s’il y a un espace ET un objet ET un être vivant dans votre dessin… ça ne compte pas comme 3 sujets (!) Par contre, vous pouvez dessiner vite si vous avez peu de temps pour ce défi.
Bonus : vous avez le droit de commencer par 1 dessin quotidien, et à 1 jour de pause par semaine si c’est pour le loisir.
Résultat : un bon moyen d’impressionner votre entourage (et vous-même) et de garder des souvenirs de votre été.
Si vous vous y mettez, écrivez-moi ou envoyez-moi des photos !
ヾ(o✪‿✪o)シ

Si vous vous posez encore la question : oui, il existe une quantité incroyable de travail invisible.

Ce que je ne vous ai pas dit, c’est que ranger sa bibliothèque est aussi une expérience réjouissante. Je vous le souhaite !

A priori on se retrouve en juillet, a priori pour parler de questions bien matérielles. Mais il y aura aussi des dessins remplis de douceur et de bons vœux.

Bel été et à très vite,

Annely

@ partager

On trouve des podcasts sur tout, et notamment sur le travail d’artiste. Pour prendre de l’avance sur la question du travail dans la création, vous pouvez écouter Paye ta vie d’artiste de Manifesto XXI. L’épisode 1 est titré « En finir avec la Bohème ». C'est un bon tour d’horizon avec la présentation de quelques initiatives.

• Un autre podcast que j’ai écouté par hasard mais qui m’a embarquée : « Paresse business : petits livreurs et gros profits » de Delphine Saltel dans Vivons heureux avant la fin du monde sur Arte Radio. À nouveau, il est question de travail précaire puisqu’on y parle de quick commerce avec par exemple la livraison de vos courses en 10 minutes (! mais pourquoi faire ?). Le dosage entre récit du quotidien et apports documentaires est très bien et si vous vivez en dehors d’une grande ville, l’écoute ne sera que plus exotique.

• Maintenant, c’est à mon tour de vous conseiller un livre qui m’a été conseillé : Dans la Forêt, un roman de Jean Hegland. On y suit Nell et Eva, deux sœurs de 17 et 18 ans, dans un monde qui pourrait être le notre mais où tout à basculé : il n’y a plus d’électricité ni d’essence, plus rien de tout ce qui était évident et facile. Toutes les deux attendent le retour à la normale, réfugiées dans leur maison. Nul besoin d’en savoir plus… Au départ, on trouve cette histoire peut-être anodine et il faut un peu de temps pour rentrer véritablement dans le récit. Et puis, il y a un moment de bascule et le texte ne nous lâche plus. L’autrice n’épargne pas ses héroïnes mais c’est juste qu’elle tire le fil de cette histoire, avec lucidité et jusqu’au bout. Le roman prend la forme du journal de Nell, l’écriture est simple mais on reçoit des sentiments profonds. On finit par se projeter, pouvoir imaginer les ressentis de nos lointains ancêtres, la vulnérabilité et les nécessités de croire… Un livre à lire avant l’Apocalypse et un beau moment de lecture. Facilement disponible en médiathèque.

• Quelques bons conseils (ou fausses pistes) pour ranger votre bibliothèque : à vrai dire, il m’est arrivé plus ou moins la même chose que dans ce billet, « Ranger sa bibliothèque avec Georges Perec » de Claire Placial. L’équation de la classification définitive est insoluble, bon courage !

• Côté musique, vous pouvez tester Ice Cream Soufi de Portron Portron Lopez (instrumental) ou J’attends le calme après la tempête de ChevalleMajiq (textes en français et pop politique pour danser joyeusement énervé).

Vous recevez ce mail car vous êtes inscrit·e·s sur la liste de diffusion STRATÉGIES*, une newsletter de quelques dessins et d'autres choses, envoyée toutes les 4 à 6 semaines. Pour être sûr·e·s de recevoir cette lettre, vous pouvez ajouter l'adresse annely.b@contrefictions.fr à vos contacts.

Vous pouvez partager / transférer cette lettre à qui vous voulez si vous la trouvez digne.
Inscription et archives des précédentes newsletter.

Se désabonner ou modifier vos informations    |    Lire dans votre navigateur
Annely Boucher
annely.b@contrefictions.fr / 06 14 45 42 43

www.contrefictions.fr / Instagram : @annelyboucher