Observer et dessiner…
STRATÉGIES* une lettre pour partager quelques dessins et d'autres choses

Pour une pause c’était une pause ! Je croyais vous écrire en juillet, et puis l’été est passé par là, et puis voici que nous sommes en automne. Je vous remercie pour vos retours sur la lettre précédente. Je me suis réjouie d'apprendre qu’il y en a parmi vous qui se sont mis à dessiner d’observation (!) et qui, peut-être, ont continué…

Dessin abstrait à l'aquarelle

Il y a plusieurs semaines, on m’a dit « Je reçois ta lettre mais je ne comprends pas bien… c’est quoi ton modèle économique ? » et ça m’a fait rire car la véritable question c’est « Mais en fait, comment tu gagnes ta vie ? ». La question est juste et les artistes — avec beaucoup d’autres — se la posent au quotidien.

Lorsque vous êtes artiste, les gens se demandent où vous trouvez de l’argent, tellement c’est difficile de se représenter notre métier… et nos activités comme rémunératrices. 

Alors, concrètement, on fait comment ? Je crois que l’on fait du jonglage.

Pour gagner sa vie en tant qu’artiste on peut vendre des œuvres, répondre à des commandes, animer des ateliers, répondre à des appels à projets, donner des formations, faire des résidences, exposer son travail… et toujours batailler pour une rémunération qui n’est jamais certaine. À vrai dire, on peut faire tout ça… ou l’espérer.

Chacune de ces options a ses spécificités et demande un investissement particulier (rédiger un dossier c’est mettre de côté du temps de création par exemple). Pour tout ça, il faut s’organiser.

Pour gagner sa vie en tant qu’artiste, il faut donc être capable de savoir faire un peu tout (créer, communiquer, coordonner…), être prêt·e à rédiger beaucoup de notes d’intention, monter des collectifs et des coopérations — créer ses propres opportunités est un plus. Et pour tous les projets de création, imaginer et créer un contexte qui les finance et qui génère une rémunération. Prévoir une bonne capacité de résistance aux refus et déconvenues.

Nous ne sommes pas les seul·es à nous poser la question de comment faire notre métier (les domaines de la recherche, du soin… et tant d’autres). Mais du côté de l'art on a quelques spécificités : la difficulté à faire reconnaître la création comme un travail, la difficulté à rendre visible ou entendable l'ensemble de ce travail, la discontinuité des revenues (mais peut-être comme les domaines précédemment cités ?).

Vous n’imaginez pas à quel point les artistes parlent plus souvent de leurs galères administratives que de leurs recherches plastiques ! Et si vous nous demandez, on vous dira qu'on n'a pas envie de vivre dans la précarité… les artistes et les autres.

Alors, comment tout ça tient ? C’est quoi le modèle économique ? Il faut être honnête et dire que l’on vit de peu. Il ne faut surtout pas négliger le soutien des ami·es, l’aide des familles, le troc, les économies… ou renoncements, les aides sociales (si on a traversé ce labyrinthe) et pour beaucoup les « boulots alimentaires ». Et si au quotidien on arrive à boucler le budget, les difficultés continuent dans l’écriture d’un futur (inenvisageables retraite, investissements, soins).

Se plaindre ou non n’est pas la question ici. J’ai la chance de pouvoir dire « ça va » et je suis très heureuse d’avoir la main mise sur mon temps. Heureuse de pouvoir donner, jouer, créer… aussi. Avec cette lettre écrite au cœur de l’été et qui arrive à l’automne, peut-être simplement vous dire que les artistes ne sont que des professionnel·les comme les autres (comme les autres, plus ou moins compétent·es ou fragiles) et que comme les autres, les décisions politiques jouent sur nous.

Et si nous devons « travailler », travailler encore, travailler tout le temps, comment avoir le temps de changer ce qui est ? Je n’ai pas la réponse. Il y a beaucoup à rêver, à faire, à lutter ; ce qui est sûr c'est que cette réflexion est à l'œuvre, ensemble.

mais peut-être qu’en fait ce n’est pas ça qui compte
plutôt : pas
seulement ça qui compte.

bien sûr que la création est
autre chose. D’important.

Trouver les équilibres
rêves, contraintes, jeu, reconnaissance
et le temps sans aucun usage.

Je ne trancherai pas.
Car nous aimons aussi la gratuité, le don, les cadeaux…
qui sont un très joli modèle économique. Puissant.

Dans les images, il y a :

- une aquarelle réalisée pendant la résidence de l'École d'Été (juillet)

- des dessins issus d’un livre unique, dessiné et relié à la main, aquarelle sur papier calque.
D
estiné à être offert, il ne l'a toujours pas été. Ce petit projet a un titre : Encore Plus.

- de l'aquarelle sur papier calque (recherches).

 

Toujours trop

Je réfléchis au rythme de travail, à comment bien mener mon jonglage. Pour fabriquer cette lettre par exemple, comment savoir si je vous écris trop ou trop peu ?

Alors cette fois-ci je vous invite à me dire, vous qui la recevez et la lisez : si elle est trop longue ou trop courte ; à quelle fréquence vous aimez la recevoir ; ce que vous aimez et vous n’aimez pas… Peut-être évoluera-t-elle dans sa forme et sa promesse, en fonction de vos retours. ('•﹏•)

Ah oui, c’est ma newsletter… je suis censée vous parler de mes projets plutôt que de nos conditions économiques ! Il y en a un sacré paquet en cours et dans les cartons… des créations sonores ; des dessins en tatouages ; des actions culturelles en EHPAD… sans parler de toutes les idées vagues et, toujours, dessiner, expérimenter de nouvelles techniques, de nouvelles pratiques. Je ne vous parle pas des autres engagements — la liste est infernale, on ne s’ennuie pas.
Une suite, quelque soit sa forme, dans de futures lettres.

Si le sujet vous intéresse, à nous de poursuivre la conversation sur les moyens d’être artistes et si vous avez un doute à ce sujet, rappelez-vous que si vous nous demandez, on vous dira qu'on n'a pas envie de vivre dans la précarité.

Prenez soin de vous et de votre temps,

À bientôt,

Annely

@ partager

Quelques pistes pour poursuivre la thématique de cette lettre :

• Toute la problématique peut être résumée en une phrase : « Les artistes ont-ils vraiment besoin de manger ? » C’est le titre de ce livre où les éditions Monstrograph ont demandé à 31 artistes de répondre à la question. Notez qu’il y a aussi Les artistes habitent-ils quelque part ? et Les artistes peuvent-iels tout dire ? qui vient de paraître.

• Si l’économie s’occupe des artistes, l’inverse est vrai aussi : vous retrouver une sélection de textes sur le sujet dans Écrits d’artistes sur l’économie, une anthologie. Ces « modestes propositions » sont à lire aux éditions B42.

Le podcast Paye ta vie d’artiste, proposé par Manifesto XXI : sans être d’accord avec tout, on peut y entendre des personnes échanger sur le sujet et ses spécificités.

• La lecture indispensable sur le rapport au travail (mais aussi à l’attention et à bien d’autres choses) : Éloge du Carburateur de Matthew B. Crawford. Très accessible, le livre est à la fois passionnant, stimulant, réjouissant… un véritable allié. C’est en poche chez la Découverte.

• Enfin pour rire et peut-être anticiper le rôle des artiste : La Planète des intermittents de Benjamin Abitan dans la Préhistoire du Futur. La fin va vous surprendre, comme toujours.

• Parce que je l’ai beaucoup écoutée — et fait écouter — cet été, je vous recommande cette création du Collectif Wow ! Everyone / Everywhere

• Et côté musique
→ Je vous invite à écouter Roger Fakhr. « Fine Anyway »  vous donnera envie d’écouter tout l'album (réédition par Habibi Funk)
→ et la Bande-Originale d’Akira par Geinoh Yamashirogumi. Entendue en salle, sur les images et avec la spatialisation, elle m’a emmenée très loin…

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Annely Boucher
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